samedi 21 mars 2009

Spleen



Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle

Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,

Et que de l'horizon embrassant tout le cercle

Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;


Quand la terre est changée en un cachot humide,

l'Espérance, comme une chauve-souris,

S'en va battant les murs de son aile timide

Et se cognant la tête à des plafonds pourris;


Quand la pluie étalant ses immenses traînées

D'une vaste prison imite les barreaux,

Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées

Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,


Des cloches tout à coup sautent avec furie

Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,

Ainsi que des esprits errants et sans patrie

Qui se mettent à geindre opiniâtrement.


Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,

Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,

Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,

Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.


Les Fleurs du Mal, 1857

Ce texte, véritable hymne à la pesanteur, m'a inspiré ma nouvelle "Le chat du marin" que je mettrai en ligne la semaine prochaine. L'atmosphère qui y est dépeinte sied bien aux ambiances du Nord où se déroule l'histoire du "Chat du marin".

Un ciel bas, une atmosphère si particulière, l'essence baudelairienne dans toute sa subtilité.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Qui êtes-vous ?

"Tall ships", complainte de marins et tempête en Manche